Les concessions et la pub, trop ou pas assez?

En janvier 2008, la revue XXI (pour faire référence à ce siècle encore naissant) est apparue. Fondée par Laurent Béccaria (Directeur des Editions Les Arènes, qui publie entre Denis Robert, journaliste à l'origine de l'Affaire Clearstream) et de Patrick de Saint Exupéry, le trimestriel est un des rares périodiques français vendus en kiosque. Son absence d'espace publicitaire est compensée par un prix de vente au numéro qui peut paraître prohibitif, 15€. Pourtant, le premier numéro a été vendu à quasiment 50 000, le triple que la rédaction espérait. Dans les meilleurs kiosque, vous trouverez le 21ème numéro. Pour ce numéro spécial, la rédaction a rédigé un «Manifeste du journalisme du XXIème siècle » qui doit privilégier l'investigation, la durée et le terrain. Selon Beccaria et Saint-Ex, la conversion au numérique n'est pas responsable de la crise des journaux, mais l'a accentué. Ils reprochent au journalisme actuel d'être soumis à la dictature du jetable. D'ailleurs, de nombreux lecteurs de ce blog nous ont remercié de revenir sur les plans sociaux, comme celui de Mittal Florange, quand les médias traditionnels n'en parlent plus. Mis à part Télérama, les autres périodiques ont tiré à boulets rouges sur ce Manifeste. Bien entendu, ils ont peur de voir leurs recettes publicitaires diminuer.

XXI essaie, et réussit, d'aller le plus en profondeur dans ces enquêtes. Ce genre d'investigations a permis de dévoiler les plus gros scandales financiers.

Dénoncer c'est le but que certaines « stars » de la blogosphère se sont donnés. Bien entendu, vous connaissez Julian Assange, fondateur de Wikileaks. Mais il n'est pas seul. 2013 est déjà une année sombre. Agé de 27 ans, Aaron Swartz s'est suicidé le 11 janvier dernier. A l'âge de 13 ans, il a reçu un prix pour avoir créé un site non commercial. Ce prix lui vaut d'être reçu par le célèbre Massachussets Instute of Technology. L'année d'après, il est à l'origine des flus RSS (qui permettent de recevoir les mises à jours des blogs et des sites). Il a participé à l'évolution numérique de la dernière décennie, notamment pour simplifier la mise à jour des pages internet. En 2011, il a piraté les serveurs du MIT. Suite à ça, il a mis sur des sites gratuits la quasi intégralité du JSTOR, qui recense tous les articles scientifiques publiés lors de la mise à jour. Les responsables de JSTOR Organisation n'ont jamais porté plainte. Le MIT si. Aaron a risqué une peine de prison de 35 ans. Il a préféré se pendre. Quelques jours plus tard, la Ministre de la Culture, Aurélie Filippeti a annoncé le partenariat pour la numériser du patrimoine culturel, entreposé à la Bibliothèque Nationale de France, libre de droit. Ce sont trois sociétés privées, Proquest pour les livres ; Beliewe Digital et Memnon Archiving Service, pour les vinyles. Jusqu'à présent, les documents entreposés sont mis gracieusement à la libre consultation du public. Demain, ils continueront à être librement consultés, à condition de se rendre soit sur le site mythique de la Rue Vivienne (Paris II) ou le bâtiment moderne Quai Mauriac (Paris XIII). S'il nous est impossible de se rendre à la Capitale, il faudrait payer un droit d'accès pendant la période d'exclusivité, pendant laquelle la document reste la propriété des sous-traitants. Cette période de 10 ans fait penser aux concessions pour les autoroutes qui n'auraient pas dû durer 25 ans au départ.

Si
on peut contester les concessions de numérisations des œuvres tombés dans le domaine public et celles des autoroutes, on peut aussi contester les concessions dans l'audiovisuel. Le 12 décembre dernier, 6 nouvelles chaînes gratuites ont été lancées sur la Télévision Numérique Terrestre. Suivant le mode de réception (antenne râteau, ADSL, satellite ou câble), leur diffusion est étalée dans le temps. Leur généralisation est repartie en 13 étapes. Pour les clients SFR, Free et Bouygues, les numéros sont les mêmes que pour la TNT. Avant d'étendre le choix des chaînes, il aurait fallu d'abord voir si les concessions respectent le cahier des charges. Il nous semble que ce n'est pas le cas. Les chaînes créées pour le passage au tout numérique peuvent donner l'impression de remplir le vide laissé entre deux espaces publicitaires. Le directeur des programmes doit correspondre à un emploi fictif. La même chaîne diffuse jusqu'à 10 épisodes du même feuilleton. De plus, il s'agit de séries déjà diffusées et étasuniennes. Où est leur obligation de soutenir la création française ? Pour les nouvelles chaînes de la TNT, les concessions ont été accordés à des groupes disposant déjà de canaux, mis à par 23 et l'Equipe TV, qui appartient au Groupe Amaury, qui organise le Tour de France et le Paris-Dakar. 23 est une co-entreprise qui regroupe autour du créateur de Pink TV, Pascal Houzlelot, les propriétaires de Free, PPR, Banque Lazare, LVMH, le Groupe Casino. Pour les autres :

• HD1, appartient à TF1, propriétaire de NT1

• 6 Ter, appartient à M6, propriétaire de W9

• RMC Découverte, appartient NextRadioTV, propriétaire de BFM TV

• Chérie 25, appartient à NRJ.

Quand certains s'inquiètent de l'omniprésence de la publicité, d'autres regrettent leur absence. C'est ce qui s'est passé pour les abonnés de Free, lors de la dernière mise à jour de la Freebox. Les messages publicitaires ont été masqués. Certains peuvent penser qu'il s'agisse d'une bonne chose. Mais c'est un double tranchant. Premier tranchant, la publicité permet d'avoir accès à des contenus gratuits. N'importe qui peut donc facilement mettre des informations, sans avoir de lourds investissements. Internet doit être présent pour nos luttes et briser la dictature de la pensée unique. Autre chose qui peut poser problème : si Free peut bloquer les publicités, il peut aussi agir sur les contenus. Si un contenu déplaît aux censeurs, les abonnés n'auront plus accès à ces contenus. Niel est un capitaliste, il ne veut donc pas que les idées progressistes puissent « pourrir » les écrans de ses abonnés. Comment ferons nous pour vous tenir informer ?